Présentation :
La Grande Peur constitue un des grands moments de l'année 1789. Elle marque, fin juillet - début août l'entrée sur la scène de la Révolution des masses paysannes. Pour un bref moment, après les Etats Généraux à Versailles, après l'insurrection parisienne de la mi juillet, le balancier de l'histoire repart dans les provinces les plus éloignées, coup d'envoi tumultueux de la révolution paysanne.
Ces mouvements appelés Grande Peur, qui éclatent aux quatre coins de la France ont fasciné les historiens par leur ampleur mais aussi par leur caractère mystérieux et irrationnel, la simple rumeur de l'arrivée de brigands mettant en armes des régions entières dans une épouvantable panique.
Henri Diné n'a pas échappé à cette attraction. Son ouvrage, paru en 1951, s'inscrit dans les débats et les controverses suscités par cet événement majeur. L'auteur a notamment voulu répondre à la magistrale étude de G. Lefebvre, «La Grande Peur», publiée en 1932, avec laquelle Henri Diné se trouve fréquemment en désaccord. Henri Diné a pris la généralité de Poitiers comme cadre (mais il en sort souvent à juste titre) pour répondre à G. Lefebvre. Dans son souci d'étayer ses hypothèses, Henri Diné utilise et publie massivement ses sources. Là réside sans doute le principal intérêt de ce travail. C'est ainsi que les descriptions par les contemporains de la Grande Peur des Mauges et du Bocage puis de celle partie de Ruffec qui balaie toute la partie orientale du Poitou et le Sud-Ouest se révèlent passionnantes. On peut suivre au jour le jour, presque heure par heure, le cheminement de la panique à travers les récits des curés, autorités municipales, voyageurs. On se trouve replongé dans cette atmosphère fiévreuse des derniers jours de juillet 1789 où la psychose de l'arrivée des brigands rassemble au son du tocsin devant l'église les paysans armés de faux et de fourches.
Henri Diné a ensuite cherché à comprendre l'origine de la peur. Son essai est très engagé dans le sens de la thèse d'un mouvement résultant d'un vaste complot. Pour lui, ce sont les têtes de file de la Révolution parisienne qui tirent les ficelles en répandant dans les provinces de fausses nouvelles visant à soulever les paysans contre les "aristocrates".